Belvidè
Belvedere, soit Belvidè en corse talavesi, signifie littéralement « lieu d’où l’on a une belle vue». En 1609, des habitants y sont déjà présents et le toponyme de Belvedere est déjà d’usage.
C’est dans la seconde moitié du 17éme siècle, vers 1670, que le zicavais Lorenzo achète au Seigneur Giulio Fozzani, pour le prix de 300 brebis, des terres situées à Belvedere. Lorenzo prend soin d’édifier sa maison, derrière « l’Ortu grandi » sur une éminence, à la fois suffisamment proche des résurgences d’eau d’A Piscia et suffisamment éloigné pour que l’habitat reste sain. Cette abondance d’eau sur le site explique, sans doute, pourquoi on désignera également le même lieu par : Pozzacciu.
Au décès de Lorenzo, quatre de ses fils, nommés « I Lorenzelli » hériteront de ses terres et perpétueront la lignée des Lorenzi di «I Calzolli » tout en conservant avec Zicavu des liens étroits, attestés par plusieurs mariages et baptêmes célébrés dans le village d’origine de leur père.
Dès la fin du 17éme siècle, d’autres familles originaires « dalli Ciamanacci » sont déjà présentes : les Simonpietri (descendants de Simon Pietro), Tolini (issus de Tulinu), Bonaccorsi, Leonetti, Aliotti, Fiorini, Chiaroni, dont, seules, subsistent, en 2023, les trois premières.
Par la suite, deux autres lignées de Lorenzi : « I Capitani » et « I Mariateddi » apparaissent à Belvédère et se marient parfois avec «I Calzolli ». Les dates exactes de leurs installations dans le village sont encore en cours d’investigation.
A partir de 1846, un projet de restructuration des communes de Corse se fait jour. Sous le second empire, le 3 novembre 1853, malgré l’opposition de la Commune de Fozzano, le Conseil d’Etat adopte un projet de loi visant à réunir les enclaves Fozzanaises de Campumoru et de Purtidollu à la commune déjà existante de Belvédère : la Commune de Belvédère – Campomoro est née. La nouvelle commune héritera d’un contentieux judiciaire ouvert en 1826 concernant les terres de pacage fozzanaises de l’embouchure du Rizzanesi. 50 ans plus tard, en 1876, la commune de Belvédère-Campomoro obtiendra satisfaction et sera dotée, des terres de Liscia et de Tamaricciu situées dans la plaine de Tavaria. A ce jour, ces propriétés font toujours partie du patrimoine communal.
Parmi les grands Belvédérais, il faut citer, chronologiquement,
Simon Giovanni Lorenzi (circa 1735-1814), prêtre et bienfaiteur de Belvédère, arrière-petit-fils de Lorenzo. Celui-ci vendit la boucle de ses souliers, en période de disette, pour aider ses ouailles et légua, à son décès, sa maison d’habitation à l’église, laquelle constitue ce qui est, désormais, le presbytère de Belvédère.
Giovan Battistu Lorenzi (1787-1866), tirailleur corse. Son père était podestat de Belvédère en 1788, puis maire. Membre du bataillon Corse de l’Île d’Elbe, blessé d'un coup de sabre sur l’œil droit au siège de Gaète, d'un coup de feu à la jambe gauche à la prise de Capri, en 1808, et, enfin, d'un autre coup de feu à la jambe droite lors du débarquement de Sicile en 1810. Il fut décoré Chevalier de la Légion d'Honneur le 21 mars 1831.
Antoine Michel Lorenzi (1869-1945), fils d’ « U prufissoru Gian Andriu Lorenzi » fut journaliste, écrivain et poète. Sa mémoire ainsi que son importante œuvre littéraire sont honorées par une plaque apposée sur sa maison d’habitation située sur la place de Campumoru.
Philippe Simonpietri – août 2023
Histoire de la commune
Belvidè Campumoru à travers les époques :
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Les premières traces d’occupation du territoire de la commune remontent à l’époque du néolithique, il y a plus de 5 000 ans. Cette présence humaine lointaine est attestée par le site de Capu di Locu (Capo di Luogo), un ensemble de monuments mégalithiques et de construction qui abritaient une population vivant essentiellement d’élevage.
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Les historiens et les géographes de l’antiquité nous racontent que de petites colonies romaines se seraient installées dans la baie de Campumoru anciennement appelée Porto Elice ou Porto Erice. Ils y gardaient leurs galères à l’abri des vents d’ouest-sud-ouest.
Au Vème siècle, après les grandes invasions ayant entrainé la chute de l’Empire romain, les populations auraient déserté le littoral pour se réfugier à l’intérieur des terres.
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Il faudra attendre le XIIème siècle avec l’administration pisane et la réorganisation de l’Église en pievi et diocèses pour que la région se repeuple. Belvidè et Campumoru font alors partie de la pieve de Sartè (Sartène). Non loin de là, c’est la création de la pieve de Bisughjè (Bisogène, aujourd’hui commune de Grossa) qui deviendra le témoin d’une reprise de la vie économique, agricole et pastorale dans le secteur.
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Au début du XVIème siècle, alors que la Corse est sous domination génoise, une nouvelle période d’invasion, notamment avec les raids sanglants des Barbaresques, va entrainer la désertification des côtes et le repli des populations à l’intérieur des terres (principalement à Sartè, protégée par ses remparts).
À cette époque, la République de Gênes décide de mettre en place une politique de construction d’ouvrages militaires de défense, aux points stratégiques des côtes corses. C’est ainsi qu’ont été construites les fameuses tours génoises de l’île, dont plusieurs dizaines résistent encore aux assauts de la mer et du temps pour témoigner d’une histoire tragique.
La tour de Campumoru, érigée en 1586, est la plus imposante et la mieux conservée de l’île, avec un diamètre de 16 mètres 50, une hauteur de 13 mètres et des remparts extérieurs formant une enceinte en étoile.
Ouverte au public, elle abrite aujourd’hui l’exposition permanente « Barbaresques » qui témoigne du passé historique riche et tragique de la commune.
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Dès la fin du XVIème siècle, l’activité reprend peu à peu sur les terres abandonnées, lorsque les sgiò, grandes familles nobles du Sartenais s’approprient les meilleures terres au sud de Belvidè. Pour travailler leurs terres, ces familles avaient besoin de bergers ou laboureurs qu’ils firent venir des campagnes et montagnes environnantes. C’est ainsi que la zone se repeuple progressivement.
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Le Plan Terrier de la Corse (fin du XVIIIème siècle) ainsi que les nombreuses bergeries disséminées sur le territoire de la commune témoignent d’une activité d’élevage accrue à cette époque. Elle constituait l’activité économique principale de la zone.
Par ailleurs, on sait grâce à la présence de nombreuses aires de battage dans le maquis que la culture des céréales représentait un apport important pour les propriétaires et une culture d’appoint pour les éleveurs.
À ces activités économiques s’ajoutait celle de la baie de Campumoru qui était considérée comme un lieu de mouillage sûr.
Le 20 avril 1854, une loi rattache le domaine de Campumoru et l’enclave de Purtiddolu à la commune de Belvidè pour constituer l’entité actuelle.
Regain démographique en deuxième partie du XXème siècle
Après une importante chute démographique liée au déclin des activités économiques traditionnelles après la guerre de 1914-1918 et qui s’est poursuivie jusque dans les années 1960, l’essor de l’activité touristique vient donner un regain de vitalité à la région.